La quête du bien-être sociétal est devenue une priorité dans le discours des décideurs et des chercheurs, tant ses effets sur la cohésion des communautés sont profonds. Envisagé sous l’angle de la satisfaction collective, ce bien-être englobe des aspects économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Sa mesure ne se cantonne plus au PIB mais s’appuie sur des indices variés tels que le bonheur national brut ou l’indice de progrès véritable. Lorsque ces dimensions sont prises en compte et améliorées, elles peuvent entraîner une amélioration de la qualité de vie et renforcer les liens sociaux au sein des populations.
Les fondamentaux du bien-être sociétal
Les bases du bien-être sociétal se construisent sur un ensemble de concepts qui, assemblés, dessinent une vision nuancée de la satisfaction partagée. On trouve, au centre de cette réflexion, deux notions complémentaires avancées par Ruut Veenhoven : le ‘hedonic level of affect’, qui traduit la dimension affective du bien-être, et le contentment, plus tourné vers l’évaluation réfléchie de sa propre vie. Ces deux facettes forment un socle solide pour appréhender le bonheur collectif.
La World Database of Happiness, développée par Veenhoven, s’est imposée comme un repère incontournable pour la recherche internationale. Cette base regroupe une multitude d’enquêtes, avec une participation marquée des États-Unis, et offre un éclairage précieux sur les niveaux de bonheur selon les contextes culturels et économiques. Ce travail, dans la lignée des réflexions de J. S. Mill qui liait utilité et bonheur, rappelle que la qualité de vie s’appuie autant sur la satisfaction individuelle que sur l’expérience commune.
Les méthodes pour évaluer le bien-être n’ont cessé d’évoluer. Veenhoven défend l’idée que le bonheur mérite d’être mesuré directement auprès des personnes concernées. Cette approche met en avant la valeur de l’auto-évaluation, tout en soulignant la nécessité de croiser ressentis subjectifs et indicateurs factuels. Les scientifiques, confrontés à cette complexité, combinent alors analyses quantitatives et qualitatives pour affiner leur compréhension du bien-être sociétal.
Le rôle du bien-être dans la cohésion communautaire
La cohésion sociale, véritable colonne vertébrale d’une communauté, trouve un allié puissant dans le bien-être de ses membres. Les recherches du National Opinion Research Center (NORC), à l’Université de Chicago, l’ont démontré : un climat de satisfaction générale solidifie les liens qui unissent les individus. Norman Bradburn et Angus Campbell, deux figures majeures du domaine, ont révélé le lien direct entre le sentiment personnel de bien-être et la qualité des échanges sociaux. Selon leurs observations, le bonheur individuel ne s’arrête pas aux frontières de la sphère privée : il irrigue les relations et favorise une atmosphère de confiance.
L’idée de lien social s’entremêle avec celle de relations actives et constructives. Les travaux de Bradburn et Campbell montrent que les personnes satisfaites s’impliquent davantage dans la vie locale, renforçant leur sentiment d’appartenance et l’identité collective. Le bien-être devient alors un moteur discret mais efficace de la solidarité et de la capacité de la communauté à faire face aux défis.
Ce n’est pas uniquement dans les publications scientifiques que l’on perçoit cette dynamique. Les collectivités et les pouvoirs publics s’appuient sur ces constats pour bâtir des programmes favorisant un cadre de vie épanouissant. Prendre en compte ces connaissances dans l’action sociale, c’est ouvrir la voie à des communautés où chacun peut s’engager et trouver sa place, au bénéfice du collectif.
Les retombées du bien-être sociétal sur la santé collective
Les pistes explorées par Hadley Cantril, avec sa self anchoring striving scale, ont permis de mieux cerner l’impact du bien-être sur la santé collective. Grâce à cette échelle, qui mesure le bien-être en fonction des aspirations personnelles, il a été possible de montrer que la perception de sa propre qualité de vie se répercute sur la santé mentale à l’échelle d’un groupe. Autrement dit, plus les individus se sentent satisfaits, plus l’environnement collectif devient favorable à une bonne santé psychique.
La revue Social Indicators Research regorge d’analyses qui confirment cette interaction entre bonheur personnel et diminution des difficultés de santé publique. Des populations plus épanouies présentent moins de troubles psychologiques et pèsent moins lourd sur le système de soins. La promotion du bien-être prend alors une dimension collective : elle devient un levier concret pour améliorer la santé et la prévention, bien au-delà de la sphère individuelle.
Plusieurs théories économiques et psychologiques viennent enrichir cette réflexion. Richard Easterlin, à travers le paradoxe d’Easterlin, met en avant le décalage entre la hausse du niveau de vie et le sentiment de bonheur, tandis qu’Allen Parducci, avec sa range-frequency theory, insiste sur l’importance de la perception et de la comparaison dans la construction de la satisfaction. Ces apports rappellent que le bien-être ne se résume pas à l’abondance matérielle, mais dépend aussi des attentes et de l’équité dans l’accès aux ressources.
Considérer le bien-être sociétal comme un levier pour la santé publique, c’est reconnaître que des environnements où chacun se sent écouté, respecté et en confiance favorisent la prévention et la qualité des soins. En créant les conditions d’une satisfaction accessible, les collectivités dessinent le visage d’une société résiliente et solidaire. Reste à savoir jusqu’où cette dynamique collective portera nos communautés, et si elle tiendra ses promesses face aux incertitudes de demain.


